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                   Top secret  Les habitants de Laghouat se sont habitués, malgré eux, à vivre et à voir des chantiers qui creusent partout à l'intérieur de la ville. C'est devenu une banalité. Ils l'ont accepté.Un de ces chantiers est à la recherche du rien, à l'Oasis Nord, l'un des plus grands quartiers de la ville. On creuse, oui, on creuse encore et toujours la route "trig 17", où passe le bus 17. C'est un véritable champ de bataille. Des monstres de ferraille et des hommes masqués qui me rappellent "les raisins de la colère" de John steinbeck sont en train d'achever la route. Ils agressent le sol, les passants, les maisons, les quelques arbres. Des monstres de fer et d'acier  éventrent le sol,  avalent la terre, hurlent, grincent. Ils ont pour mission de poser une canalisation des eaux pluviales. Des grandes conduites gisent sur le sol. Où doivent  elles mener? Personne ne le sait sauf peut être ce jeune (jeu de mot) " itihou fi labhar" , elles se jettent dans la mer. Ils sont à la recherche d'un trésor dirait -on. Hadj Bouhafès, rabi yarhmou, a dit  une phrase très significative"si j'avais su qu'on aurait tellement creusé Laghouat, je l'aurais semée de blé".

                Donc, moi, votre serviteur, ce chroniqueur tordu , à la gomme, j'ai essayé de comprendre, de faire l’intéressé et l’intéressant . Curieux comme je suis, j'ai posé la question qu'il ne fallait pas posé. j'ai demandé à "un robot" qui paraissait être le  maalam (chef), pourquoi vous creusez? Il m'a regardé de haut. Il m'a scruté de la tête aux pieds. Il a regardé vers le masqué qui conduisait la machine. " Tu goules ou tu goules pas?(  Boubagra n'est pas loin.) " pensé-je tout bas. Puis se tourna vers moi et dit ":  at ta ssiou, ne te creuse pas la cervelle c'est TOP sicri (attention, top secret) ".


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  •       Mon ami, mon collègue, mon guide, mon inspecteur et maintenant c'est mon voisin. Si hadj Bachir Babagayou a été toute sa vie un enseignant. Il a enseigné au primaire puis au moyen. Il était mon collègue à l'école des cadets avec hadj Bougrine rabi yahmou. J'ai appris énormément de choses en côtoyant ces deux hommes. Mais revenons à Si Al Bachir, c'est un inspecteur de langue française puis chef du service du personnel à l'académie avant de prendre sa retraite.

         C'est un pédagogue et un maitre de la langue française. Il est surtout un grammairien de grande qualité. Oh combien de fois, nous, jeunes enseignants, nous l'avons consulté pour des questions de grammaire et de conjugaison. 

           Chaque matin, en allant vers le lycée Sadek Talbi, je passais par lui. C'était mon chemin, je le saluais, je le consultais, si j'avais un peu de temps je discutais avec lui. Maintenant, il est malade. Il est à moitié paralysé. Que tous ceux qui l'ont connu prient pour lui. 


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  •           Le  porteur d'eau est un métier très ancien et très répandu dans le monde. En France, par exemple, cette profession a survécu jusqu'au début du 20ème siècle, au Maroc , on l'appelait le Guerrab. On le retrouvait un peu partout dans le monde. Il a complètement disparu.

           Mais, à Laghouat, le seul Guerrab, l'unique porteur d'eau que j'ai connu et que ceux de ma génération ont connu c'est bien Zawaii. Un vieil homme chétif, de petite taille, avec de belles moustaches inoubliables. Des moustaches qui remplissaient presque tout son petit visage auquel étaient accrochés des yeux petits mais intelligents, avec un sourire malin. Tout était mal agencé en lui. Quand il marchait, il avait l'air de courir. Mais il ne courait jamais.  Les bras toujours tendus et le cou bien rempli tel un haltérophile. Je ne l'ai entendu parler que très rarement. Il transportait de l'eau sur demande à qui le désire et on le payait . Il utilisait une grande roue en bois dont le pourtour était enveloppé dans de la toile et deux gros bidons en fer. La roue servait à empêcher les seaux de heurter les jambes du transporteur et le gêner. Zawaii tutibait à l'intérieur de la roue, entre les deux seaux. Je le revoyais toujours habillé de la même manière : Une grosse veste, une sorte de blouse qui lui descendait jusqu'aux genoux, un pantalon très large. Parfois, quand il fait chaud, il portait un chapeau de paille. Ah j'ai oublié, un chach blanc, enfin il devait être blanc autour du cou.

          Zawaii aller chercher cette eau si indispensable à la vie de tous les jours à la fontaine publique de Rahbet Sidi Cheikh ou Rahbet Douidi, selon le client. Ces fontaines étaient pratiquement toujours encombrées, il devait parfois attendre longtemps son tour parfois, on le laissait passer.

          Zawaii allah yarhmou.


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  •      La ruée vers le Nebeg ( le jujube) Qui de ma génération ne connait pas le Nebeg, fruit comestible vert puis rouge à maturité,   charnu du Sedraia, jujubier commun ? Un peu moins grand qu'une olive, le Nebeg constituait  pour  nous, un peu d'argent de poche et surtout une place dans la salle de cinéma locale. 

           La veille du départ au Khneg, en fait le Kheng est un beau village, une commune beaucoup plus loin que le lieu où nous allions "cueillir" le Nebeg. C'était et c'est toujours un oued (rivière) généralement asséché où poussait à l'état sauvage le jujubier épineux. Nous partions de bonne heure, c'était une véritable aventure pour nous. Nous emportions avec nous de l'eau qui sera vite consommée en route et des sacs de toile destinés à contenir le Nebeg. En cour  de route, nous nous arrêtions devant un puits pour s'alimenter en eau. Nous employions  des moyens de fortune : un fil de fer attaché à un bidon en plastique ou en fer, servira à faire une provision d'eau . Une fois arrivée, la cueillette commençait et attention aux épines et parfois aux scorpions. Nous nous mettions à quatre pattes pour passer sous les branches trop basses et balayer sous la sedraya ( jujubier commun)  puis nous frappions à coup de bâton les branches pour faire tomber le fruit que nous ramassions. Une fois nos sacs de toile remplis, nous rentrions chez nous pour vendre notre butin si chèrement acquis.

          La vente du Nebeg prendra une journée ou plus. Un centime le verre de Nebeg ça nous faisait dans les 1 dinar actuel pour tout le sac enfin c'est juste une place X au cinéma.


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  •           En 1959, j'avais sept ans, j'habitais avec ma famille au Schettet El Gharbi, l'un des plus vieux et des plus populaires quartiers du sud de Laghouat. Je jouais au ballon des matchs de football des plus chauds, parfois au volley ball, en réalité, ça n'avait rien avoir avec ce sport. Je me rappelle quelque chose d'assez particulière, quand nous jouions aux billes, des soldats français, du haut de la muraille, sur la petite colline, tiraient sur les billes . Nous prenions la fuite de peur d’être atteint. Heureusement personne, à ma connaissance, n'a été blessé. Cette muraille de pierres construite sur la colline qui surplombait le quartier sud de la ville était une énigme pour nous, les gosses. Nous nous demandions ce qu'il y avait derrière elle. Cette vieille muraille gardait bien ses secrets.

            Un jour, un ami de mon age, Abdallah, m'a confié qu'il était monté jusqu'au pied de la muraille et qu'il avait même fait la connaissance d'un militaire qui se nommait Jean. Je lui avais dit qu'il me racontait des salades et que toute personne qui s'aventurait sur la colline risquait gros . Il m'avait dit  qu'il était près à y aller en ma compagnie si j'avais du courage. J'avais peur de je ne sais quoi. Mais la curiosité l'emporta sur la peur . L'aventure commença. Il marchait devant moi, je le suivais la peur au ventre. J'avais très peur mais il n'était pas question de rebrousser chemin. Je ne voulais pas être la risée de tous mes copains. Je grimpais, j’étais essoufflé, je suais, j'entendais mon cœur qui battait à se rompre. J’espérais que Abdallah rebroussait chemin mais en vain. Une fois au pied de la muraille, mon copain, mit les deux mains en forme de haut parleur et cria " Jean ! Jean !" Rien, personne, m'avait - il menti? Tous ces efforts pour rien? Il recommença. J'avais moins peur mais je voulais toujours descendre. Puis un roumi ,un français, en civil apparu sur le haut de la dite muraille.  Il ( le roumi) a  donné  à Abdallah un morceau de pain, un fromage et une bouteille de gazzouze, boisson gazeuse.

             Une fois chez nous , j'étais heureux car j'étais encore en vie après cette aventure. Abdallah cachait jalousement son butin. Comme il ne pouvait pas cacher la bouteille, il a essayé de mentir à sa grand mère. J'ai sauté sur l’occasion, un peu pour me venger, et j'ai tout déballé. Puis j'ai reculé pour éviter la gifle de ma mère, mon copain l'a bien reçue, lui. Alors Al Mazia, la grand mère nous avait dit que ce n'était pas du gazzouze mais du vin, c'est hram, interdit par la religion. Voyant son petit fils pleurait, elle a cédé et a décidé d'aller consulter si Hadj Mohamed rabi yadhmou, un épicier du quartier. Une référence quoi. Al Mazia suivit par toute une horde, est allée au "moufti". Hadj Mohamed, mis ses lunettes, ausculta la bouteille sur toutes les faces, la fit tourner et retourner. A cet instant, le téléphone sonna. C'était, à ma connaissance , le seul téléphone du quartier. Un moment après, il est revenu, pris la bouteille, on était suspendu à ses lèvres, et son verdict tomba " c'est du gazzouze ahlal, ce n'était pas péché de le boire." Il ajouta, pour donner de l'ampleur à ce qu'il avait dit " faut pas en boire beaucoup, ça fait mal au ventre". Comme si nous allions en boire beaucoup, plus d'une vingtaine de personnes que nous étions.


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