•             Il était à coté de moi, dans notre véhicule, on allait rendre visite à sa grand mère Halima.

    - Et si je te contais le Schettet ?

                   Tu vois, Schettet El Gharbi, c'est là où je suis né et ta mère aussi. Nous allons passer par la "grande" avenue qui mène vers Rahbet Douidi et beaucoup plus loin Rahbet Sidi Cheikh. A notre gauche, l'écurie de Si laala, elle a été transformée en parking automobiles. C'est là où tous les nomades qui venaient la veille du jour du marché laissaient leur monture. Ils laissaient aussi leur troupeaux de bêtes destinées à la vente, pour aller rendre visite à des familles, se balader et faire des achats. Juste à coté, la Mahdra de sidi Al Mabrouk, allah yarhmou, elle était au premier, juché, perché comme un mirador, Avec une grande fenêtre qui donnait sur la rue. La plupart des personnes de ma génération qui habitaient ce quartier sont passées par cette "école". A notre droite, hanoute Laghouini, le père de hadj laghouini qu'on nomme Taleb. Une boutique surtout de produits traditionnels. Plus loin, à deux ruelles, le fameux Masjid, dit Masjid Si Al Mabrouk, avec sa doukana, ( une sorte de banc public fait de ciment ) sur laquelle, étaient assises des vieux pour papoter en attendant la prière.  Cette mosquée minuscule a été dit on construite par le grand père de Si Al Mabrouk qui en était l'Imam. A une centaine  de mètre de là, la boutique de Si Hadj Mohamed Al Gharbi, allah yarhmou. C'est l'une des rares épiceries où l'on trouvait, du savon jusqu'au carbure pour le "kinki", une lampe à carbure, en passant par toutes les denrées alimentaires. A coté, toujours à gauche, l’inratable, Hadj Mohamed, dit Mssilet, il vendait à peut près tout mais il était spécialisé dans le petit lait, ah le leben de Msilet, j'ai l'eau à la bouche. Une ruelle et on né chez Bentissa, dans l'angle. L'artiste dans la préparation du s'fendj.

          L'écurie Laala, la doukana, les épiceries, le s'fendj ont disparu avec leur propriétaire allah yarahamhoum. La petite mosquée existe toujours mais on lui a fait perdre son cachet ancestral dont tenait tellement hadj Mabrouk. J'ai passé plus de la moitié de ma vie dans ce quartier qui ne me reconnait plus et que je ne  reconnais plus. Je suis étranger dans mon quartier. Croyez moi, j'ai les larmes aux yeux.

         Voià, on est arrivé à Rahbet Douida, on va chez hadja Halima.

     


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  •          Ah ! Si le Schettet ... je descendrais la rue Roche, plus connue sous azzgag Alkalahki, Hadja Halima m’accueillerait les bras ouverts, je verrais dans sa asguifa le dalou suspendu au plafond, je me désaltérerais de son eau fraiche. J'irai du coté de la rue Masson, où je retrouverais ashab azgagna, les copains du quartier. Je reverrais hadj Ali le forgeron et du spectacle des chevaux et des mulets qu'ils ferraient.

          Ah ! Si le galeb parlait... je poursuivrais par azgag Belharoui, je m’enivrerais des couleurs et des odeurs des jardins et des vergers. Je tendrais le bras pour cueillir une figue. Je mettrais mes pieds dans la séguia. je caresserais les murs en terre. 

        Ah ! Si Hajret Sabarni, le rocher de la patience existait encore... je m'en irais m'asseoir dessus. je me lèverais pour voir la splendeur de la palmeraie. Je descendrais à Rahbet Douidi, place où je verrais nos parents jouaient à la felja. Je verrais la fontaine,je verrais la boutique du Maalam qui réparait les (rares) objets en or. Je mangerais avec plaisir un beignet de Bentissa, je boirais du achnine; le petit lait de Amssilet.

          Mes rêves se heurtent à la réalité et retombent à mes pieds.


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  •       Je me souviens quand j'étais enfant, nous habitions au Schettet El Gharbi. Schettet est un quartier sud de Laghouat qui a donné du fil à retordre à la colonisation et à ses sbires. Donc, nous logions dans une vieille maison assez grande pour abriter plusieurs familles. Il était rare qu'une maison de ce quartier soit habitée par une seule famille. Cette maison se trouvait dans la rue Masson. Mon père Si Yahia rabi yarhmou, travaillait dur pour nous apporter le pain quotidien. C'était très difficile de trouver du travail à plein temps. Mon père était ce qu'on appelait un journalier. Et quand il travaillait plusieurs jours de suite, on disait qu'il avait de la chance. Lui aussi bien que ma mère et toutes les familles vivaient de peu et étaient satisfaits de ce "peu". Il y avait une générosité et une entre aide impossible à imaginer. Tous les propriétaires de jardins partageaient leur petite récolte avec les voisins. Ces "agriculteurs" faisaient pousser très peu de légumes; en été, la tomate, le piment, le poivron, beaucoup d'aubergines et le potiron quelque fois des melons et des pastèques. En hiver, la carotte, le navet et les oignons. C'était à peu prêt tout.

          Laghouat en général et le Schettet en particulier, que je connais bien et où j'ai passé mon enfance et une bonne partie de ma jeunesse, est connu pour son hospitalité légendaire ce qui est le cas pratiquement pour tout le sud algérien. Dans chaque maison existait une petite ouverture dans le mur de la cuisine qui donnait sur la cuisine des voisins. A travers cette sorte de petite fenêtre, les femmes pouvaient ainsi faire gouter tout ce qu'elles préparaient à leur voisine.

         Surtout en été, dans la Sguiffa, l'entrée de la maison, il y avait une guerba suspendue à un trépied ou un dallou accroché au plafond , tous deux remplis d'eau fraiche. La porte devrait rester ouverte. Elle était calée à l'aide d'une grosse pierre. Pendant l'été, Laghouat est connue pour  ses chaleurs alors ma mère me répétait toujours de laisser la porte ouverte pour que les passants, étrangers surtout, pouvaient se désaltérer.


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  •       A 16 heures, je suis monté dans mon camion à coté de moi mon fils.

    - Ça sent le msakar lui dis je.

    - C'est parce qu'il (le camion) est resté trop longtemps au soleil.

    - Tu sais ce que c'est que le msakar?

    - Oui, bien sur, c'est le renfermé.

    - (rire) ! Oui c'est vrai mais moi je pensai à autre chose.

    - A quoi ?

    - Au msakar que ta grand mère hadja Aicha préparait. c'est de la viande d'ovins salée et séchée à laquelle on ajoute de la graisse de mouton. Cette graisse c'est celle qui entoure le rein de l'animal parfois de la crépine fine. On y ajoute du felfel saifi, piment rouge séché et du ras al hanout, un mélange d'épices très utilisé dans la cuisine magrébine. Le tout est bien écrasé et mis sur le feu. Puis on met la viande dans une marmite et la graisse fondue dans une autre et on les laisse dans la houjra, une pièce de la maison utilisée pour le dépôt des provisions de blé, de dattes, de dahane, de msakar, de fèves, de tomates séchées ... Une fois refroidi, elles sont prêtes à l'utilisation et chaque fois que ta grand mère préparait un plat, elle prenait une cuillère de la graisse et un ou deux morceaux de viandes qu'elle mettait dans la marmite. Voilà.

     - Et Çà se mange ?

    - On l'utilisait comme un genre de condiment ancestral. Il existe aussi dans d'autres régions mais sans la graisse, en Kabylie par exemple. La graisse ainsi préparée remplaçait l'huile et permettait d'éviter pas mal de problèmes de santé aux gens. N'est ce pas mon cher médecin?

    - Suis pas encore médecin. Je préfère toujours les bonnes frites croustillantes, les hamburgers, les pizzas ohh les pizzas..

    - Rien ne vaut le mardoude, ksra badwa et le couscous ohhh le couscous...

    - Hééé papa regarde un fast-food. 

        


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  •           Chaque été, moi et quelques galopins nous allions chaque jour sous le pont de l'Oued M'zi, rivière qui passe à coté de la ville de Laghouat. En fait, c'est une rivière asséchée la plupart du temps sauf quand il pleut beaucoup elle est en crue. Sur le lit de l'Oued, les propriétaires des jardins construisaient un barrage en sable destiné à retenir les eaux non pas pluviaux mais d'une source qui coulait en amont, d'où l’appellation rouss layoune ( sources). Ces eaux seront acheminées par des séguia et serviront à l'irrigation. Donc, nous partions, vers notre "plage". Nous prenions le bus qui nous déposait assez loin et nous continuions à pied, parfois nous y allions à vélo. Une fois sur le lit de sable, nous allions vers la digue. Elle occupait une partie du lit de la rivière. Le reste c'était le sable. C'était un endroit des plus chers pour nous. Il nous permettait de s'évader, de se libérer, de se délivrer même des ruelles du Schettet , quartier aimé par tous mais cela n’empêchait pas qu'il nous étouffait donc on avait besoin d'espace. Et cet espace c'était sous le pont. Nous nous baignions bien sur, c'est le principal divertissement. On se prélassait au soleil. On se chamailler, on rigolait. On était heureux. Un peu plus tard, j'alais à la pêche. J'avais une "ligne" rudimentaire: un fil, un hameçon et un petit roseau. Je réussissais à attraper quelques poissons. Et les interminables matchs de foot, de volley, de hand, des courses à pied. Vers 13h on mangeait nos casse croutes. Quelques uns faisaient la sieste d'autres continuaient à se baigner. Dans le chemin de retour, nous passions toujours par le pont où il y avait un robinet d'eau douce. On se désaltérait et se lavait puis nous rentrions à pied parce que le bus s’arrêtait à 16 heures 30 et il était impossible pour nous de nous tirer de la "plage" à cette heure.

          C'était sous le pont de l'Oued M'zi. Et dire que maintenant c'est un véritable désert.

     


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